C'était une expérience intéressante d'assister le 7 octobre dernier à la projection avec orchestre du film de l'artiste albanais Anri Sala au Centre Pompidou dans le cadre du Festival d'Automne à Paris - 40ème édition.
Le film " 1395 Days without red " - qui ne comprend aucun dialogue - se déroule dans la ville assiégée de Sarajevo et suit en parallèle la répétition de l'Orchestre Symphonique de Sarajevo et la traversée de la ville à pied par une musicienne pour rejoindre l'orchestre.
Dans cette ville fantôme totalement muette, où quelques passants stoïques attendent ici ou là, avant de s'élancer pour traverser une rue ou un carrefour, on assiste à la progression de la musicienne, dont la respiration est tantôt stoppée, tantôt haletante, au rythme de sa traversée lente ou très rapide en fonction des endroits dont on devine qu'ils représentent plus ou moins un danger.
Sur ce rythme fragmenté installé par sa respiration et son déplacement vient s'entrelacer la musique du premier mouvement de la Pathétique de Tchaïkovski, dont des passages sont soit fredonnés par la musicienne - comme pour se donner le courage de continuer sa marche - soit interprétés par l'orchestre en répétition, et au final le fredonnement de la musicienne et le jeu des instruments s'unissent en un seul air.
Au cours de cette traversée qui plonge le spectateur dans une expérience sensorielle, essentiellement auditive, la musique devient peu à peu l'acteur principal de l'histoire, le lien ultime avec la vie et la liberté au-delà de tout désespoir et enfermement.
Les fragments de musique et les fredonnements qui s'interposent dans le film m'ont un peu rappelé les sensations éveillées par le film " Trois couleurs : bleu " du polonais Krzysztof Kieslowski, même si la thématique était différente...quoique la liberté peut être un point commun entre les deux films : " Bleu, c'est la liberté, l'histoire du prix que nous payons pour elle. A quel point sommes-nous vraiment libres ? " (Krzysztof Kieslowski).
L'interprétation sur la scène de part et d'autre de l'écran - en prélude, pendant et après la projection du film - de la musique de Tchaïkovski par l'Orchestre des Lauréats du Conservatoire, a contribué à faire de cette projection un événement particulièrement esthétique et singulier.
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