Louveteau - Zoo de Berlin, 2005
dimanche 6 juillet 2014

"Vertiges" de Lionel Duroy, Editions Julliard - 2013

Dans ce roman imposant (468 pages), Lionel Duroy fait une analyse détaillée de ses relations amoureuses passées pour essayer de comprendre pourquoi et comment elles ont échoué. L'effort de mémoire pour retourner plus de 10 ans en arrière est assez impressionnant tout autant que la description de certains détails qui l'ont marqué.





Ce livre, écrit dans un style fluide et précis, est intéressant car il permet d'entrer dans "la tête d'un homme", de découvrir les raisons qui peuvent le pousser à agir d'une certaine manière ainsi que les questionnements qui l'assaillent dans des moments de sa vie. Beaucoup de questions sont soulevées dans ce roman sur la relation entre un homme et une femme, également sur celle avec la mère ou le père. A travers ce roman, on entre un peu dans le "non dit" d'une relation, et on accède à une analyse approfondie des arcanes d'un couple, avec cette question sous-jacente "qu'est-ce qu'aimer ?" 

C'est un livre certes très personnel, mais qui permet de se poser des questions sur soi-même et de prendre un certain recul sur sa vie sentimentale. Et qui permet aussi de prendre conscience que l'autre, dans une relation, passe à travers une multitude d'états que l'on ne soupçonne pas forcément. On ne voit en quelque sorte parfois que la surface.

Les réponses auxquelles parvient ce livre sont notamment que beaucoup de nos choix amoureux sont influencés par notre vécu en tant qu'enfant, mais aussi qu'il faut sans cesse chercher les raisons profondes de notre attachement à une personne.

C'est un livre instructif et souvent bouleversant, car les sentiments y sont décrits avec beaucoup d'intensité.

Quelques extraits de passages que j'ai particulièrement aimés...

"Oui, nous nous engageons sur des malentendus, sinon à l'éblouissement des premiers mois succéderaient des années d'harmonie et de bonheur. Alors seulement j'avais pris conscience que le plus effrayant des malentendus, en ce qui me concernait, était d'attendre de ma femme qu'elle comble par sa présence, par son amour, le vide abyssal laissé en moi par notre mère. Qu'elle m'empêche de tomber dans ce gouffre que je pressentais sans cesse, que je pressens aujourd'hui encore, à l'aplomb de mon corps, qu'elle me retienne par la main dans les moments où je sais que je vais basculer."

"La vie s'est arrêtée, tout ce que nous avions construit s'est effondré, mais les enfants demeurent. Ils demeurent comme des survivants au milieu d'un champ de ruines. Au lieu d'illuminer nos visages, comme au temps où nous nous aimions, ils nous rappellent les printemps disparus, les paysages effacés, tout ce que nous avons irrémédiablement perdu. Nous nous efforçons de leur sourire, conscients qu'ils n'ont rien demandé, qu'ils sont les victimes innocentes de notre échec, de notre aveuglement, de l'accumulation de nos bêtises, mais nous n'aimons pas notre sourire, il est à la fois contraint et baigné de larmes."

"Bien sûr, il y a la souffrance de ne plus pouvoir se toucher, de ne plus pouvoir s'embrasser ni faire l'amour, mais le plus cruel, et le plus mystérieux aussi, c'est le basculement du souci permanent qu'on avait de l'autre dans un vide abyssal où l'on doit s'accoutumer à ne même plus savoir s'il est vivant ou mort. Huit jours plus tôt, on tremblait si l'autre avait une heure de retard en regardant par la fenêtre la pluie qui tombait dans le crépuscule hivernal, pourvu qu'il n'ait pas eu un accident, et maintenant on doit continuer de vivre, de manger et de dormir sans rien savoir de ce qu'il traverse. Est-ce que ça n'est pas la chose la plus stupéfiante qui soit ? Celle qui nous renvoie le mieux l'image de notre insignifiance, de la précarité de nos attachements, et sur laquelle nous n'aurons jamais fini d'écrire ?"

"...j'ai pensé que nous avions construit une cathédrale sur du sable mouvant, que nous nous étions nourris mutuellement d'illusions et qu'il n'allait rien rester de cette chose que nous avions crue immense, seulement le sentiment d'un malentendu, de nous être enflammés pour des enfantillages. (...) Il ne faut pas chercher à découvrir ce qui nous porte à nous enflammer. J'ai bien entendu, mais je pense qu'elle a tort, qu'il faut inlassablement chercher au contraire."

"Quel est l'homme qui constatant que sa femme s'en va, qu'elle le quitte peut-être, rappliquerait aussitôt avec ses outils pour lui suspendre des rideaux, lui installer son porte-serviettes et ses miroirs ? Eh bien moi, justement. Un autre se mettrait en colère, tu veux t'en aller, eh bien pars, mais démerde-toi avec tes rideaux. Moi non, jamais je n'ai dit à Cécile un mot plus haut que l'autre, et je sais que je vais continuer d'aimer silencieusement Esther, comme je continue d'aimer Cécile tant d'années après. Je me fais l'effet de ne pas être un homme comme les autres, d'être à peine un homme, en vérité, mais en même temps je l'ai bien cherché puisque depuis toujours je déteste les hommes avec leur sacro-sainte virilité et cette suffisance qu'ils affichent partout. Je me souviens qu'enfant, suivant Toto dans ses tournées de représentant, je les méprisais déjà avec leurs chemises roses et leurs gourmettes. Des crétins prétentieux pour la plupart."


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